Actualité #18

Amandine Brillanceau
rejoint le Domaine Leflaive

Elle avait fait un rêve, s’installer en Bourgogne, il est réalisé. Elle avait formulé un vœu, œuvrer dans un grand domaine, il est exaucé. Depuis janvier dernier, Amandine Brillanceau a pris le poste de directrice technique chez Leflaive. « Cela représente un peu le graal d’une carrière et ça m’est arrivé au bout d’une dizaine d’années. C’est une grande chance », s’enthousiasme cette ingénieure agronome énergique qui ne va pas s’arrêter à une nomination. Originaire des Deux-Sèvres, formée à Bordeaux, elle s’est piquée de vin à l’occasion d’un stage dans la confidentielle appellation des Fiefs Vendéens. Un diplôme national d’œnologie (DNO) en plus dans le sac à dos, elle s’envole vers la Nouvelle-Zélande et l’Australie, le pèlerinage initiatique de l’hémisphère sud pour tout jeune professionnel dont les aspirations sont vastes. Presqu’aussi loin, en Oregon, elle a aussi fait une incursion dans cette terre souvent dépeinte comme la petite Bourgogne du vignoble américain…



« À l’époque, la Bourgogne me paraissait un monde inaccessible », se rappelle Amandine Brillanceau, qui pose un pied chez Louis Jadot en 2017 après une première expérience au Château Pesquié, en Ventoux. Chef de cave, elle accède à la multitude des climats de la maison beaunoise, un apprentissage accéléré. Huit ans plus tard, la voilà au Domaine Leflaive, dans un rôle qui fait le trait d’union entre les équipes, à la vigne et en cave, entre les sites, Côte de Beaune et Mâconnais, entre les familles de vins, propriété et négoce. « Ici, on ne fait pas de distinction dans la manière de traiter un grand cru ou une parcelle de village. En revanche, la dégustation montre bien une hiérarchie naturelle des vins. C’est cela la Bourgogne : faire de l’orfèvrerie tout en ayant un lien paysan avec la terre. Dans la bouteille, il y a cette empreinte du lieu. »


Amandine Brillanceau n’a pas appris l’œnologie pour imposer un style, plutôt pour respecter l’essence d’un terroir. « Dans un tel domaine, je suis venue chercher ce rapport direct avec l’origine du vin. La biodynamie également, un aspect jamais abordé pendant mes études mais dont j’avais fait mon sujet de mémoire, qui apporte du sens à ce que nous faisons : intégrer les hommes dans la nature, présente depuis bien plus longtemps que nous. Les équipes y sont très sensibles, elles ont l’expérience et la mémoire des lieux. » 


Entre toutes ses occupations, la nouvelle directrice technique a trouvé un spot de contemplation : sur la parcelle de Chevalier-Montrachet, tout en haut de coteau, avec une vue panoramique sur Puligny-Montrachet. « J’ai aussi dégusté le vin, apprécie-t-elle. Une émotion incroyable… »


©Jérome Bryon

Esprit Leflaive, es-tu là ?

La collection Esprit Leflaive explore des terroirs de pinot noir inhabituels pour le domaine. Les vignerons partenaires sont choisis, les vignes souvent très âgées. Un négoce haute couture, réalisé dans un esprit d’artisans sur des tirages limités, destiné notamment aux amateurs de la grande restauration. Éric Baumard, le charismatique directeur et chef sommelier du Cinq à Paris, a bien voulu déguster deux des cuvées de la gamme. De celui qui a constitué la cave de l’Hôtel George V et ses 45.000 bouteilles, qui garde une « affection particulière pour la Bourgogne », l’avis compte…


Les vins de Bourgogne suscitent un engouement inégalé. À votre place de sommelier, qu’est-ce qui peut l’expliquer ?

Ils sont déjà meilleurs et plus élégants qu’avant ! Leur réputation est très ancienne certes mais leur évolution a été très positive, avec deux cépages évidemment remarquables, le chardonnay bien sûr et le pinot noir qui domine nettement cabernet et syrah dans le goût des amateurs de rouge. Les clients que je vois chaque jour au Cinq apprécient toujours plus le profil aromatique et le charme sur le fruit de vins qu’on peut boire plus tôt que beaucoup d’autres. Il faut aussi ajouter les effets du changement climatique, qui favorise l’expression des vins de Bourgogne à partir d’un matériel végétal plus adapté et moins cloné. 


Vous avez dégusté le Pommard Premier cru Les Arvelets de la collection Esprit Leflaive. Quel est votre sentiment ?

Dans le prolongement des Épenots sur la combe, le terroir des Arvelets profite justement du réchauffement climatique que j’évoquais. Cela reste un vin assez profond, terrien, séveux. On pourrait dire qu’il est d’hiver ou d’automne, de champignons. Je retrouve l’ampleur et la concentration propres à Pommard. La petite part de vendange entière amène de l’acidité. Ce vin mérite d’être attendu deux ou trois ans.


De même, qu’avez-vous pensé du Gevrey-Chambertin Village, lui aussi sur le millésime 2020 ?

Comme 2018 avant elle, 2020 a été une année chaude, qui a impacté la subtilité florale du pinot noir. C’est aussi une question de goût personnel : dans cette période-là, je préfère par exemple les millésimes 2017 ou 2019. Ce Gevrey-Chambertin Esprit Leflaive conserve un caractère aérien et délicat. Un grain de fruit qui a du charme sans avoir trop de densité, même si la cerise noire est un peu compotée par l’effet millésime. C’est un vin qu’on peut goûter dès maintenant.


©Serge Detalle

Le surgreffage,
une opération délicate

La lanière enserre le pied de vigne et de bas en haut pour venir frotter l’écorce. Une forme de massage, très énergique, qui constitue la première étape d’une opération de surgreffage réalisée par le Domaine Leflaive sur une de ses parcelles de La Jobeline, dans le Mâconnais. Il s’agit de faire basculer 16 ares de gamay en pinot noir. Alors pourquoi surgreffer plutôt que replanter ? 


« Cela permet de gagner du temps pour modifier l’encépagement et préserve l’intérêt qualitatif de vieux ceps de plus de 60 ans », répond Laurent Alexandre, le responsable de production à La Jobeline. Une opération de replantation prendrait huit ans, dont quatre à cinq années de mise au repos de la terre selon les pratiques culturales propres au domaine. Pour obtenir des jeunes vignes au potentiel d’expression incertain au début. Le surgreffage permet de réaliser la transformation pour une entrée en production en moins de trois ans et il intervient sur un système racinaire en place depuis plusieurs décennies.


Pour basculer du gamay au pinot noir sur les 1.000 pieds environ de la parcelle, les équipes ont réalisé une première semaine de travail en avril, plutôt physique. « Il a d’abord fallu piocher pour dégager tous les pieds, puis frotter les écorces pour déterminer précisément les flux de sève. Il ne faut pas abîmer le bois sain car on ne peut pas surgreffer sur une plaie », poursuit Laurent Alexandre, qui a suivi le protocole du prestataire L’Épibiote. Située dans l’Hérault, l’entreprise affiche d’excellents taux de réussite avec seulement 10 à 15% de pertes. Ses spécialistes viendront eux-mêmes réaliser l’opération très technique de greffage à la fin du mois de mai, avec la collaboration des équipes du domaine. En attendant, leurs recommandations peuvent s’avérer très pragmatiques, comme bannir l’usage de la brosse métallique, trop agressive pour les vieux ceps, et privilégier des courroies de distribution automobiles usagées ! La garantie d’un bon massage…


©Domaine Leflaive

Sortie de cave !
Pouilly-Fuissé Village 2023,
le coup de cœur
de Brice de La Morandière

« C’est un vin de lieux, oui de plusieurs lieux, entre Roche de Solutré et Roche de Vergisson. Un assemblage issu de 12 parcelles autour de quatre villages, avec des couches géologiques, des altitudes, des expositions différentes. Chez Leflaive, nous accordons la même attention à l’élaboration de ce Pouilly-Fuissé qu’aux vins du domaine : récolte manuelle, pressurage long et doux, élevage de 12 mois en fûts et 6 mois en cuve… 


Cela donne un millésime 2023 de très bel équilibre, avec de la structure et une bonne concentration. Bien fait, un Pouilly-Fuissé Village se rapproche d’un Premier cru. Et très bon jeune, il peut devenir immense au bout de sept à huit ans de garde. »

©Roberta Valerio